an abstract photo of a curved building with a blue sky in the background

Elle ne s'est jamais remise

Un conte qui explore les cicatrices émotionnelles d'une femme marquée par l'orgueil, la trahison et les choix qui l'ont éloignée de sa famille.

PROSE

4/29/20252 min temps de lecture

À l'ombre de la tristesse, elle s'est enfuie, loin du village qui l'avait vue naître, fuyant les regards, les jugements, les murmures. Elle craignait ces visages familiers, convaincue qu'ils la condamnaient d'avoir ruiné sa vie — et celle de sa famille — par orgueil, par arrogance.

Elle n'a jamais su pardonner la trahison de celui qu'elle avait aimé depuis toujours.

Il est venu lui demander pardon, les mains vides mais le cœur ouvert.

Mais elle, fière, belle, sûre de sa valeur, ne pouvait concevoir vivre avec un homme qui avait osé regarder une autre.

Et pourtant... elle a tout supporté.

Les cris. Les agressions. Les silences lourds. Les retours au matin, l'odeur de l'alcool.

Mais elle n'a jamais franchi la porte pour toujours.

Parfois, elle allait passer quelques jours chez ses parents. Mais elle revenait toujours.

Elle n'écoutait personne.

Ni sa mère.

Ni ses sœurs.

Ni son frère.

Ni ses amies d'enfance.

Elle croyait qu'il serait là pour toujours.

Mais avec tant de "non", tant de blessures silencieuses, il finit par partir.

Il trouva des bras plus doux, un regard qui ne jugeait pas.

Elle, qui n'avait jamais su partager, se jeta dans les bras d'un homme marié.

Ce fut seulement le premier.

D'autres suivirent.

Des hommes sans visage, sans nom.

Ils venaient seulement la nuit, partaient avant l'aube.

Seuls les chiens pouvaient témoigner de leur passage.

Aucun ne resta.

Tous laissèrent leur marque.

Un, deux, trois enfants.

Chacun laissa au moins ça.

Écoeurée de la vie, pressée par un neveu déjà adulte, qui exigeait la maison de son père — qu'elle avait rendue sienne — elle partit.

Avec un enfant dans les bras, elle s'éloigna de tout ce qu'elle connaissait, espérant recommencer.

Elle laissa ses trois filles et son fils chez sa mère, promettant de revenir les chercher plus tard, quand tout irait mieux.

Mais elle oublia que les filles ont besoin de leur mère.

Et le temps... le temps n'attend personne.

Les années passèrent.

Là, de l'autre côté du fleuve, la vie était encore pire.

Elle était seule, étrangère parmi les autres.

Quand il n'y avait rien, elle et son fils jeûnaient en silence.

Mais elle n'a jamais voulu revenir.

Trop fière.

Trop honteuse d'avoir échoué.

Aujourd'hui, le fils aîné est mort.

Les filles, à peine devenues des femmes, portent déjà le poids de la maternité.

Deux enfants chacune.

Aucune n'a mis les pieds dans une école.

Le savoir s'est perdu comme un vent qu'on ne rattrape plus.

Et elle, toujours de l'autre côté.

Elle n'a pas vu grandir ses petits-enfants, n'a pas entendu le premier mot, n'a pas consolé le premier chagrin.

Elle vit là, à l'ombre d'une vie qu'elle n'a pas choisie, mais dont elle n'a pas su s'échapper.

Elle pourrait revenir.

Mais la honte la dévore.

Elle pense que revenir serait une défaite, qu'en franchissant à nouveau le seuil de la maison maternelle, elle admettrait qu'elle a fait erreur, qu'elle a tout perdu.

Ce qu'elle ne sait pas, c'est qu'il n'y a pas de honte à revenir.

Parfois, reculer c'est prendre de l'élan pour avancer mieux.

Mais elle reste là, prisonnière d'un exil qu'elle s'est imposé.

Quelles sont vos impressions ?